"Le nid des Phoenix" est un documentaire sur la reconquête de son autonomie après un accident ou un traumatisme grave. Quelques patients nous montrent le chemin à suivre au Centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelles de Kerpape, dans le Morbihan.

Ce blog vous permet de suivre toute l'actualité du film : des repérages au tournage en 2013... jusqu'à la diffusion sur France 3 Bretagne en juin 2014!

dimanche 5 mai 2013

Deux patients de Kerpape se jettent dans le vide ....!


Jeudi 25 avril, 13h30 : une bonne vingtaine de personnes regroupées devant l’école de parachutisme de Vannes, à une heure de route du Centre de Kerpape. On a eu un peu de mal à trouver et le GPS nous a fait faux bond sur la fin, mais on y est !

Saut en tandem : they believe they can fly... 
On m’explique que c’est en fait l’unique école de parachutisme de Bretagne : les « étudiants » affluent donc de toute la région pour apprendre à sauter ici, quitte à s’installer dans le camping accolé à l’école pour pouvoir rester le temps d’un week-end. Quand on voit les photos (ou qu’on saute, pour les plus téméraires), on comprend mieux pourquoi ils se sont installés là : la vue embrasse tout le Golfe du Morbihan, c’est à tomber par terre.

Alors, à quoi ressemble une école de parachutisme ? 

Une grande bâtisse remplie de parachutes multicolores que l’on replie méthodiquement après usage (la méthode de pliage est, à cet égard, assez étonnante). Des moniteurs qui s’agitent un peu partout, équipés de talkie-walkie pour diriger à distance les élèves en vol éparpillés dans le ciel bleu : « le parachute orange, tire sur ta droite... voilà… encore un peu… c’est bien, maintenant tu vas aller te poser tout droit… élargis la zone d’atterrissage, c’est pas grave ». « Le parachute vert, c’est du très bon travail, continue comme ça… ». Et puis dehors, des kilomètres de pelouse en guise de terrain d’atterrissage. Un petit avion qui, ascension après ascension, soulève ses passagers jusqu’à 4000 mètres d’altitude pour une chute qui durera quelques minutes à peine…

Aujourd’hui, deux patients du centre de Kerpape vont effectuer un saut en tandem. Un grand jour pour « Le nid des phœnix » car ce moment nous permet de sortir un peu des couloirs, des chambres et des salles de rééducation du centre et de filmer « au grand air » des personnes que nous avons suivies depuis quelques semaines déjà, et ce dans un environnement proche de Kerpape que nous souhaitons intégrer à l’image du film.

Le début d’après-midi se passe calmement : pas un seul nuage à l’horizon, un soleil de plomb qui ne pâlit guerre et qui nous fait regretter l’attirail d’été (on finira tous la journée hâlés, brunis et dorés comme des brésiliens ou, pour les moins chanceux, comme des touristes en fin de séjour sur la Costa Brava). Comme il n’y a pas suffisamment de vent pour assurer un atterrissage en douceur –le vent est indispensable car il freine le parachute à l’arrivée-, les patients devront attendre 18h pour pouvoir effectuer le saut tant attendu, ce qui a pour effet de les faire redoubler d’impatience et d’excitation, eux tout comme leur entourage.

Equipement de Rowan avant le saut, filmé par Richard Bois

Rowan Barguille (paraplégique) est accompagné de toute sa fratrie pour l’occasion : ils sont venus à neuf, munis de glacières, de caméras et d’appareils photos en rafale. A à peine 16 ans, il a l’âge minimum pour pouvoir sauter et il attend ce moment avec impatience depuis quelques temps déjà. En fin d’après-midi, quand le vent se lève enfin, il sera le premier à être équipé. Pris en main par Patrice Bourdy, directeur technique de l’école, il est allongé sur un tapis où on lui enfile le baudrier, les lunettes et où on lui explique longuement les consignes pour le bon déroulement du saut en tandem : comment se positionner dans l’avion, pendant la chute et comment va se passer l’atterrissage. N’ayant aucune sensation des pieds à la taille, Rowan sera attendu à terre par quatre moniteurs pour le réceptionner et assurer une arrivée en douceur, jambes en avant…





Jack Phelepp équipé d'une Go pro pour les images en vol







Notre deuxième patient, Jack Phelepp (amputé du mollet droit), éternel aventurier sorti de Kerpape il y a un peu plus d’un mois, sa prothèse tibiale bien vissée pour l’occasion, rentre de dix jours de vacances au Portugal et enchaîne avec le saut à Vannes. Un peu angoissé à l’idée que la prothèse ne tienne pas forcément le coup à l’atterrissage, mais pas plus que ça par le saut en lui-même. Ou disons qu’il y a, en tout cas,  bien plus d’envie que d’appréhension, ce qui est un bon début !

Alors concrètement, comment se passe un saut en parachute ?

Le parachutisme est généralement défini comme « une activité consistant à chuter d'une hauteur allant d'une centaine de mètre à plusieurs milliers (ici : 4000m) en sortant généralement d'un avion pour ensuite retourner sur terre avec l'aide d'un parachute (si tout va bien) ». Mais plusieurs éléments sont à prendre en compte afin de mettre un peu la pression aux « passagers » avant le saut : 

1/ La montée en avion dure 20 minutes, la vue est plutôt belle mais ça laisse aussi le temps de faire monter le stress

Le moment fatidique...

2/ A un moment, le pilote coupe le moteur pour laisser l’avion planer : c’est à peu près l’instant où le moniteur va te mettre les jambes dans le vide et que tu vois la Terre, loin dessous



Jack fait preuve d'une étonnante désinvolture lors de la chute libre. 



3/ Il y a environ 50 secondes de chute libre avant l’ouverture du parachute. Sensations fortes garanties.



4/ C’est une parenthèse, mais il faut savoir que le parachute ne s’ouvre pas toujours en vol. Heureusement, il y a un « parachute de secours » qui sera ouvert si le premier fait défaut !

5/ L’atterrissage est peut être une des parties les plus délicates du vol, puis qu’il faut arriver à la bonne vitesse pour ne pas se faire mal et chuter.

Mais ce qu’il y a de bien, quand on saute en tandem, c’est que c’est le moniteur qui gère l’intégralité du vol, donc l’ouverture du parachute, sa circulation dans les airs et son atterrissage. Le seul travail du passager est donc de se détendre, de profiter du paysage (car il y a de quoi profiter) et de faire confiance ! 

Merci à Rowan et à Jack d’avoir accepté d’être filmés pour ce grand moment et merci également aux cadreurs de l’école pour les images en vol, qui sont hallucinantes (teaser à venir, oui oui !).



Cliquez sur les photos pour les agrandir! 


mardi 12 février 2013

Tournage : Jour 1. Anecdotes autour d’un Super-Patient.

Je vous dois bien quelques nouvelles du « Nid des Phœnix » qui, depuis fin novembre, n’a pas succombé aux rouleaux morbihannais, je vous rassure. 2012 est passé, nous avons survécu (enfin je crois) et voilà qu’aujourd’hui, je me remets à blogger en l’honneur de la toute première journée de tournage du film. Après des mois et des mois de préparation, d’achat de matériel, de recherche de financements, de rencontres, de brain-storming… It happened ! 11 février 2013 : le D800 (autrement dit, la sublime bestiole qui nous sert de caméra) a chauffé, et bien.

Ce jour à marquer d’un joli caillou blanc est sans conteste la résultante d’un trio de choc : Richard Bois, réalisateur équipé jusqu’aux dents, son assistante réalisatrice qui court beaucoup et qui rédige en ce moment même cet article mais, surtout et principalement, notre super-patient : Jack Phelepp.


Amputé du mollet droit en janvier 2013, Jack est soulagé d’avoir pris cette décision. Depuis son accident de moto en 1999, il est en effet passé par un parcours opératoire sinueux et fatigant qui n'a pas permis à sa jambe de récupérer ses capacités. L'amputation lui permettra, à termes, de sortir de fauteuil et de remarcher. Aujourd'hui, nous l'accompagnons chausser sa toute première prothèse tibiale sculptée et modelée par le service d’ortho-prothèse de Kerpape. L’appareillage est un moment phare et filmer les premiers pas d’un patient est quelque chose de plutôt émouvant. Redécouvrir la sensation de la marche autrement, appréhender le poids et la « tenue » de cette nouvelle jambe de substitution, le contact du moignon avec l’emboîture… Le phœnix peut commencer sa résurrection.

Si tout se passe bien, Jack pourra peut-être participer aux Jeux Paralympiques de Rio, en 2016 ! Mais avant, il y a la rencontre avec la kiné, « Marie » (on n’en sait pas plus) et quelques mois de rééducation à prévoir avant le retour à la maison. « Marie »… depuis la chambre 517, on fabule déjà : une jeune? une vieille? sympa? Bref... Il y a là un enjeu de taille car les cours de kiné ont lieu chaque matin, pendant une heure.

10h14 : c’est parti. On suit Jack à travers les couloirs de l’Unité 5, jusqu’aux ascenseurs puis en bas. On passe devant le Club Loisirs, les bureaux administratifs, la piscine, le gymnase… Leçon n°1 : il faut bien compter 10 minutes pour parvenir à la salle « kinésithérapie ABCRV » (entendez par là "Amputés-Brûlés-Cardio-Râchis-Vasculaires") où l’on cherche des yeux « Marie » parmi les blouses blanches qui s’agitent.

Quelques interminables minutes plus tard (on sent bien que Jack n’en peut plus sur son fauteuil), Marie arrive enfin. C'est une jeune femme brune à lunettes, dynamique et rapide. Elle nous laisse entrer en salle d’exercice, la séance de torture peut donc commencer. Jack est soumis à rude épreuve : quadriceps, ischio-jambiers, abdos, gainages… Ça ne s’arrête que quand une crampe lui prend, et les douleurs au membre fantôme sont fréquentes chez les amputés. On le voit alors tenter d’étirer vainement le mollet disparu pour faire passer les fourmillements : le cerveau nous joue des tours!



Leçon n° 2 : mieux vaut être un poil sportif quand on franchit le seuil de Kerpape.





La kiné, très pro mais non sans humour, l’encourage maintenant à marcher entre deux barres pour travailler l’équilibre : « vous cassez pas la figure, j’ai le droit à 10% de chutes dans l’année ! On est qu’en février, j’ai pas encore dépassé mon quota… ». Rires. Le premier contact est plutôt bien passé… Malgré une certaine rigueur apparente (on sent que la rééducation va être sportive), Marie est bien. Et puis Jack à la pêche, et ça, tous les soignants le disent : c’est le plus important pour la guérison!

On a rencontré beaucoup de patients et il faut admettre que peu ont cette patate-là. Pas facile de garder le moral que l’on soit amputé, brûlé, paraplégique ou traumatisé crânien…

Leçon n°3 : garder la pêche.


Et justement, c’est souvent à ce niveau-là que l’entourage joue un rôle essentiel. Dès que la rééducation sera terminée, Jack compte bien retourner à Brest auprès de sa femme, acheter avec elle un nouveau logement (si possible plain-pied, car plus adapté au handicap) et reprendre le boulot. En arrêt maladie depuis octobre 2011, il trépigne à l’idée de retrouver ses marques en tant qu'éducateur technique au sein d’ Emergence, une association qui œuvre en faveur de la réinsertion des sortants de prison. On lui a gardé la place et, mieux, on retarde même l’achat d’un nouveau véhicule en attendant le verdict de l’auto-école de Kerpape qui devrait déterminer rapidement si Jack peut de nouveau conduire un véhicule ordinaire ou s’il a besoin d’une voiture automatique. C’est plutôt encourageant.

Il y aurait encore beaucoup à raconter, mais j’ai le défaut de ne pas toujours savoir m’arrêter et d’écrire des articles un peu longs à digérer. Alors je m’arrête pour cette fois.
A SUIVRE!